samedi 7 novembre 2015

Rien ne vaut une douce maman - L. Tolstoï, Anna Karénine

Parce qu'avoir une citation de Tolstoï cela poutre un peu beaucoup. Mais, en même temps, celle-ci est si vraie. Enfin pour ceux qui ont une bonne relation avec leur mère.

Et parce que je ne pouvais pas évoquer une autorité supérieure sans une autre.

Elle est beaucoup de choses. Très protectrice mais aussi un peu trop abnégation power sur les bords. Sans doute son éducation chez les Ursulines. Elle a beaucoup de culture et est assez curieuse bien que dubitative sur beaucoup de choses. Elle commence enfin a vouloir vivre un peu. Elle aime les couleurs chaudes. Elle a appris le braille.

C'est d'ailleurs cette anecdote que je vais raconter et cela sera amplement suffisant.

Donc ma divine mère n'y voyait pas. Mais quand je dis cela je ne mâche pas mes mots : enfant, elle n'y voyait pas à deux centimètre si bien qu'elle était considérée comme aveugle. La vieille garce lui reprochait tout et "en plus elle n'y voit pas"; rien pour plaire la pauvre fille.
Alors elle a été envoyée à Marseille pour être soignée et apprendre à se débrouiller. Sa journée se rythmait entre la vie et l'école chez les soeurs de la fondation Arc-en-ciel et l'hôpital l'Hôtel Dieu (magnifique bâtiment aujourd'hui transformé en véritable hôtel). Tous les jours, elles et d'autres enfants descendaient la Montée de l'Oratoire, le cours Pierre-Puget puis la rue Breteuil, le cours Jean Ballard et enfin longeaient le Vieux Port jusqu'à arriver à l'hôpital. Si vous êtes déjà allés à Marseille vous savez que cela fait une sacrée trotte à patte. Car la Montée de l'Oratoire est situé juste en dessous de la Bonne Mère; d'ailleurs ils y allaient pour l'office du matin tous les dimanches.

En bref, la vie de ma mère cela n'a jamais été simple et ce, depuis le début.

Tu la téma ma magnificence ?! Pierre Puget était un artiste marseillais. Sur la statue il est écrit "Les Marseillais rendent hommage à celui devant qui le marbre tremblait". Nous n'exagérons jamais.

Une bulle de verdure dans la cité phocéenne. Une bulle qui a plus de 200 ans.

À l'occasion du 1er Novembre, Moune et moi sommes montées à la Bonne Mère pour déposer deux cierges dans la crypte de la Vierge. Cela a été l'occasion d'une bonne balade sous le soleil d'hiver. J'aime l'hiver à Marseille : l'air y est froid et sec, le soleil brille toujours, tu peux boire un thé fumant sur les terrasses tout en sentant l'iode de la mer. Si un jour je dois revenir m'installer, ce sera ici. Marseille est ma seconde Mère.
Involontairement, je suppose, Moune m'a fait passer par une partie du chemin qu'elle empruntait enfant. Je suppose qu'ayant récemment vécu ses opérations des yeux, elle voulait revivre son enfance aveugle et "revoir" ce qui avait été son univers pendant presque 5 ans. Elle avait 5 ans quand elle est arrivée à Marseille. On a donc déambuler dans la colline Puget. Je me gausse encore en pensant aux parisiens se plaignant de grimper Montmartre; mes pauvres chéris, ne venez jamais ici, des collines il n'y a que ça. Mais bref, la colline est parcourue d'un silence quasi religieux alors qu'elle est ultra fréquentée par les enfants et les familles.
Il y a aussi deux autres statues : Louis Braille et le père Louis-Toussaint Dassy. L'un a créé un moyen d'écrire et de communiquer basé sur un encodage militaire (encore utilisé à l'heure actuelle) et l'autre est le co-fondateur de ce qui a sauvé ma mère. Je dois avouer qu'en face de ces deux statues, j'ai peiné à retenir mes larmes. Moune me parlait d'eux avec un amour proche de l'idolatrerie mais j'ai retenu une phrase en particulier :

Tu vois moi je ne voyais rien et on avait rien pour nous aider réellement. 
Ces gens se sont penchés vers des êtres comme moi. 
Des êtres qui, aux yeux de presque tous, étaient une perte de temps.

Malgré l'émotion nous avons continué. La Bonne Mère n'était plus très loin, nous sommes montées par le chemin de Croix, toujours sous le soleil radieux.
Nous avons regardé la mer et Marseille fourmiller sous nos yeux en compagnie de gens de toutes les origines, de toutes les religions, de toutes les nationalités. Elle est la Mère de Marseille, affectueusement les musulmans l'appellent Oummi ou Unma, les juifs lui rendent grâce, j'ai même vu des bouddhistes venir lui rendre hommage etc... Lors du siège de Marseille par les Nazis, les marseillais se sont battus bec et ongle pour la libérer; qu'importe mourir si Elle était libre. Bombardée, à moitié détruite, Elle a tenu jusqu'au bout, a été réparée et salue toujours sa jumelle par de-là la mer.


Oui même les huissiers.

Et oui, il y a des répliques de bateaux accrochés un peu partout. La tradition est d'apporter une image ou une réplique miniature pour bénir le bateau.


La basilique fourmille de détails. On peut y passer des heures entières.

Après les bondieuseries, j'ai réussi à pousser ma mère à passer par la rue où se trouvait ce qui avait été "chez elle". La Montée de l'oratoire, même que plus loin on avait droit à une merveilleuse boutage marseillaise :

Oui c'est une avenue.
Mais bref, une fois arrivées devant le 8 Montée de l'oratoire. Moune était hésitante devant la sonnette, j'ai appuyé à sa place. Vigoureusement. Au bout de la troisième fois, une petite soeur nous a ouvert. Elle avait un nom trop cool : Soeur Georgette. Moune lui a expliqué ce qu'elle avait vécu et là, je crois sincèrement que son coeur a eu une épiphanie, la soeur lui gentiment proposé d'entrer et de revoir l'endroit. Elle lui racontait toute son histoire, les moments, la façon dont c'était organisé auparavant, elle touchait les objets. C'était très émouvant de la voir ainsi.
Pendant 1h, ma mère était redevenue une enfant.
L'apothéose fut quand la soeur lui proposa de venir dans la chapelle.
J'ai laissé ma mère tranquillement prier; j'entendais ses pleurs légers. J'ai demandé l'autorisation à la soeur et j'ai pu prendre cette photo.
Elle a toute l'émotion et la simplicité de l'être humain.




Nous sommes reparties vers la mer. À temps pour voir un coucher de soleil qui venait clore cette douce journée. Alors que le soleil se couchait, de la musique bourdonnait dans mes oreilles. Doucement, comme un souvenir.




(Cela vaut également comme samedi de l'interlude musical x 2)

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